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Pourquoi les compléments d’honoraires ont leur raison d’être

Système de santé
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dépassements d'honoraires

C’est le sujet du moment. Pointés du doigt (avec eux, les médecins qui les pratiquent), les "dépassements" d’honoraires sont accusés de tous les maux, notamment de favoriser le renoncement aux soins. Mais en quoi consistent ces compléments et pourquoi existent-ils ? Le thème nécessite de gratter un peu et de ne pas s’arrêter à la simple condamnation. Une réflexion qui va nous amener à nous interroger sur le rôle des mutuelles dans la prise en charge de ces compléments et sur la pertinence des contrats responsables.

Les compléments d’honoraires, parfait bouc émissaire

Quand ce n’est pas la régulation de l’installation des médecins, ce sont les compléments d’honoraires qui essuient toutes les critiques. Derrière ces accusations, le même schéma se répète : les pouvoirs publics visent les médecins — un habile moyen d’éviter les critiques et de fuir leurs responsabilités. La presse relaie ensuite ce discours biaisé, sans prendre la peine de le contrecarrer, et l’opinion publique est instrumentalisée. La liberté des soignants — qu’il s’agisse de leur installation ou de leur tarification — est décriée, présentée même comme la principale barrière à abattre pour favoriser l’accès aux soins. Curieux, non ? On aurait plutôt cherché les coupables parmi les décisions politiques qui organisent le système de santé, mais non. C’est la liberté des praticiens… Remettons un peu les choses à leur place. La première réaction face à ce message réducteur, est de se demander ce que sont réellement les compléments d’honoraires (on évitera l’emploi du mot « supplément », qui trahit déjà une volonté accusatrice) et pourquoi ils existent. 

On parle de « compléments d’honoraires » lorsque le professionnel de santé fait payer son acte médical à un tarif supérieur à celui fixé par la Sécurité sociale. Par exemple, pour un médecin généraliste, le prix de la consultation est fixé à 30 euros (au 22 décembre 2024) par la Sécurité sociale. S’il fait payer davantage, il s’agit de compléments d’honoraires. La notion de compléments d’honoraires est donc intimement liée au tarif réglementé par les pouvoirs publics.

Rappelons que tous les médecins n’ont pas le droit de réaliser ces “dépassements”. Depuis le début, les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs pour les en empêcher : la création des secteurs 1 et 2 (le "3" renvoie aux médecins nons conventionnés) qui interdit à une grande partie des praticiens de faire des compléments (ceux du secteur 1. La majorité des généralistes), ou encore la mise en place du Contrat d’Accès aux Soins (CAS), remplacé par l’Option de Pratique Tarifaire Maîtrisée (OPTAM). Comme ces mesures ont toutes échouées dans leur objectif (la disparition des dépassements), les autorités ont joué sur un nouveau cheval : la réforme des contrats dits « responsables » en 2015, qui interdit aux mutuelles de rembourser les actes médicaux au-delà d’un certain montant. Mais nous y reviendrons un peu plus tard. Parlons d’abord des raisons de ces dépassements.

Les compléments d’honoraires, un choix pour préserver l’excellence médicale 

On ne cesse de répéter que les compléments d’honoraires posent problème, qu’ils limitent l’accès aux soins. Pourtant, cet argument occulte une dimension essentielle : celle de la qualité des soins. Car oui, des soins de qualité ont un coût — un coût largement sous-évalué par la Sécurité sociale. Le véritable problème ne réside donc pas dans les compléments d’honoraires, mais bien dans la faible valorisation de l’acte médical.

Prenons l’exemple d’un chirurgien : il pourrait opérer seul, mais pour garantir la meilleure prise en charge et réduire les risques, il doit s’entourer d’un personnel qualifié et utiliser des matériaux de haute qualité. Il a besoin d'un plateau technique complet et performant pour réaliser ses actes. Or, les tarifs fixés par la Sécurité sociale ne couvrent pas ces exigences de qualité. Supprimer les compléments d’honoraires reviendrait à tirer les soins vers le bas et à accroître les risques pour les patients. Ces compléments permettent aux médecins libéraux de continuer à se former, d’investir dans les technologies les plus récentes, d’offrir des soins de haut niveau et d’accueillir les patients dans de bonnes conditions (Jetez un coup d'œil à notre interview du dr. Leseur, installée en S2, dans laquelle elle raconte comment elle est parvenue à gommer un désert médical. Aucune entrave à l’accès aux soins, au contraire… ).  

Les soins de qualité ont un coût, et il est temps que les pouvoirs publics en prennent pleinement conscience. D’ailleurs, si on regarde d’un peu plus près l’étude publiée par le Hcaam (Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie), qui dresse un état des lieux sur les dépassements d’honoraires en 2024, et qui est à l’origine de la polémique aujourd’hui, on verra que les chiffres donnés, notamment le taux de dépassement des praticiens par spécialité, sont révélateurs. Les spécialités qui font le plus de dépassements sont celles qui ont été les plus délaissées par les pouvoirs publics et n’ont pas eu, ou peu, de revalorisations tarifaires de leurs actes depuis plusieurs années (malgré l’inflation), comme les gynécos, les stomatos, les psychiatres, etc. Les cardios, par contre, plutôt préservés, sont ceux qui pratiquent le moins les compléments…

Les dépassements d’honoraires ne sont pas mis en place pour que le médecin s’en mette plein les poches, mais pour combler un vide et assurer aux patients des soins de qualité. Car aujourd’hui, les tarifs imposés aux praticiens ne suffisent pas pour le faire.  Il convient de rappeler que ces tarifs ne sont pas indexés sur l’inflation, qui progresse chaque année, et qu’ils demeurent inchangés pendant de longues périodes (parfois des décennies). Pendant ce temps, les charges auxquelles les soignants doivent faire face ne cessent d’augmenter — qu’il s’agisse des loyers, de l’électricité ou encore des primes d’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP), qui ont connu une hausse particulièrement marquée ces derniers temps. Difficile de se maintenir à flot dans ce contexte inflationniste et les compléments deviennent inévitables !

Deux solutions se présentent alors. Ou les pouvoirs publics augmentent les bases de remboursement (et permettent aux soignants d'exercer dans les conditions adéquates) ou ils permettent aux mutuelles une meilleure prise en charge des compléments (aujourd’hui, avec les contrats responsables, les mutuelles sont limitées).

Contrats responsables, un cadeau uniquement pour les assureurs

Dès la mise en place de ces contrats (avril 2015), LML mettait en garde contre ces derniers (voir notre article sur le sujet daté de 2017 et notre rapport explicatif sur les nouveaux contrats que vous pouvez télécharger plus bas). Il faut rappeler qu’ils concernent 94% des contrats de complémentaire santé en France. Ils plafonnent le remboursement des mutuelles sur certains postes, dont les honoraires médicaux. Bref, ils interdisent aux mutuelles de rembourser les actes médicaux au-delà d’un certain montant. Du miel pour les OCAM (les organismes de complémentaire santé)… Elles remboursent moins, mais ne baissent pas leurs cotisations (on n’a pas vu de baisse des cotisations ces dernières années, mais plutôt des augmentations). Les autres, Sécu et patients, ne gagnent rien. Pas d’économie pour la Sécu qui de toute façon ne prenait pas en charge les compléments. Pas de réduction tarifaire, mais une augmentation du reste à charge pour le souscripteur (il n'est plus correctement remboursé sur les compléments) qui doit en plus subir une baisse de la qualité des soins. Double peine.

Quelle solution ? 

Pour pallier cette baisse des remboursements induite par les contrats responsables, LML a tenté, à ses débuts, d’apporter une solution en mettant en place une surcomplémentaire santé « non responsable » qui remboursait le plus possible les patients sur les honoraires médicaux essentiellement. Malheureusement, ce dispositif s’est avéré financièrement impossible et nous avons dû arrêter de le commercialiser au bout de 2 ans, du fait de ses résultats techniques extrêmement dégradés. Pourquoi ? La mutualisation du risque se faisait mal. Les individus qui optaient pour la surcomplémentaire avaient d'importants besoins de couverture, et "coûtaient" beaucoup plus chers qu'ils ne payaient de cotisations. Les tarifs, élevés en raison du faible volume, faisaient fuir tout le monde, sauf les personnes qui en avaient vraiment besoin. Aucun moyen de sortir de cette boucle. La mutualisation du risque ne fonctionnait pas. Or elle est essentielle pour garantir la solvabilité de soins de qualité pour tous

C’est pourquoi chez LML, nous demandons une révision de ces contrats responsables. Et on n’est d’ailleurs pas les seuls. En septembre dernier, un rapport sénatorial proposait une refonte des contrats responsables. Malheureusement, les mille soubresauts politiques n’ont pas aidé à la mise en place de changements structurels dans la santé.

Comme nous l’avaient expliqué nos actuaires lors de la mise en place de notre surcomplémentaire, la prise en charge des dépassements d’honoraires importants n’a en réalité qu’un impact limité. C’est d’ailleurs ce qui explique la faible répercussion sur les tarifs des mutuelles après l’instauration des contrats responsables. En effet, ces situations restent relativement rares, à condition bien sûr que le nombre d’assurés soit suffisant pour absorber le risque. Grâce à cette logique de prise en charge collective, la mutuelle renoue avec son rôle principal (qui justifie son existence) : celui de mutualiser le risque. Elle ne se limite plus à rembourser des soins non essentiels (qui ne présentent aucun risque assurantiel), mais agit conformément à sa vocation initiale — assurer une véritable solidarité entre assurés.

Illustration @ViedeCarabin

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